Accompagner les quêtes de sens individuelles et collectives

Le sens, fondement de tout développement réel et durable

Notre société met l’accent sur le bien-être comme levier de développement, de transformation et de performance. Je constate que cela masque ou débouche souvent sur un manque de sens. En tant que coach et thérapeute, je fais l’expérience que mettre l’accent sur le sens donne une vraie raison d’être, de vivre, de travailler, de s’engager tant au plan individuel que collectif. Dans la recherche du sens, le bien être physique et moral joue un rôle secondaire. Alors que rien ne compense une déconvenue dans la recherche du sens. Nous ne recherchons pas tant le bonheur qu’une raison d’être heureux. Nous nous intéressons à l’avenir, à la signification qu’on peut lui donner. Trouver un sens à sa vie constitue une motivation fondamentale. Nous voulons tendre vers un but valable, nous aspirons à réaliser une mission librement choisie, nous nous sentons appelés à accomplir quelque chose de significatif. C’est pour moi le fondement de tout développement ou transformation réel et durable.

Le sens ne va plus de soit

Tout d’abord, il faut noter que dans nos sociétés dites développées, nous cherchons désormais à satisfaire les besoins qui visent à l’accomplissement et au dépassement de soi. Bref, à tout ce qui peut donner un sens à l’existence.

Dans une société ou la disruption (rupture, fracture) s’impose comme modèle dominant d’innovation et de croissance, nous pouvons être pris de vertige et éprouver de la crainte face à des changements que nous percevons comme de plus en plus rapides. Nous devons nous adapter à cette donne du « changement permanent » qui transforme nos existences et les rapports sociaux et dont le sens finit par nous échapper. Certes, nous faisons l’expérience que si le progrès augmente nos capacités ainsi que le champ des possibles, il ne conduit pas forcément à un mieux-être individuel et collectif. Nous constatons même que le progrès épuise les hommes et les ressources de notre planète, qu’il accroît les inégalités. Avec la crise écologique et la menace d’effondrement, nous reprenons conscience de notre précarité et de notre finitude. Face à ce changement permanent où tout se fait en temps réel, nous pouvons avoir la sensation d’habiter un présent sans chair, coincés entre un passé qui s’efface sans apporter d’héritage reconnu et un avenir qui s’amenuise et qui perd sa force d’attractivité. Dans ces conditions, trouver un sens à sa vie ne va plus de soit.

Définir la quête de sens

La recherche de sens s’enracine tout d’abord dans le désir d’être utile et s’articule autour de questions fondamentales : à quoi ça sert, à quoi je sers, à quoi et comment puis-je contribuer à quelque chose de plus grand que moi, qui dépasse mes propres intérêts ? Elle me tourne naturellement vers les autres. Tout groupe porte également ce désir d’avoir une véritable raison d’être, de ne pas être sa propre fin et de contribuer à quelque chose de plus grand que lui.

La recherche de sens s’enracine également dans la capacité de pouvoir relier ma propre vie intime avec celle des autres et le monde extérieur. Me relier à moi et aux autres donne du sens à ma vie, de la signification à ce que je vis. Or très souvent, nous faisons l’expérience que nous sommes et que nos existences sont fragmentées en de multiples champs, sans véritablement de relations entre eux. Chacun d’entre eux pouvant être pris de manière isolée.

Le sens, une oeuvre individuelle et collective

Les nombreuses expériences positives (je pense notamment au livre Les entreprises humanistes de Jacques Lecomte) ne doivent pas nous faire perdre de vue la perte de sens massive vécue par de nombreux travailleurs, cadres et managers en premier lieu dans les organisations. La recherche de sens est souvent considérée uniquement comme un acte personnel. C’est aussi un acte collectif. C’est une question sociale. Elle doit se penser comme un continuum de sens entre l’individu, les entreprises et la société. Les entreprises devraient être des creusets pour construire le sens : répondre à des besoins sociaux réels et avoir un réel impact social, environnemental et sociétal ; mettre en place des collectifs ou le sens au travail se co-construit. De manière à pouvoir répondre à des questions fondamentales telles que : quelles raisons avons nous d’être ensemble, de travailler, de coopérer, de poursuivre un dessein commun ? Pourquoi et pour qui sommes nous présents ? Quel sens donnons-nous à notre action commune ? Comment notre projet commun et nos projets individuels se rejoignent ?

Mettre le sens au coeur de l’accompagnement

Les personnes ou les groupes n’expriment pas d’emblée la quête de sens comme leur attente principale vis-vis d’un accompagnement. Quelque soient les problèmes et motivations, la question du sens émerge à un moment ou l’autre. A noter que la construction du sens se joue à des moments ou des situations critiques propices : des décisions à prendre, des dilemmes à résoudre, des crises, des pertes, des épreuves individuelles ou collectives.

En entreprise, tout est matière à construire le sens ! Travailler sur la mission et la vision bien évidemment et construire un collectif porteur de sens à travers l’analyse des pratiques professionnelles, la gestion des conflits, la prévention des risques psychosociaux, la construction des équipes et la création d’une identité collective, l’exercice de la gouvernance. Le chemin est plus important que la destination : ouvrir des espaces de questionnement, permettre à la parole de circuler librement, autoriser les explorations nouvelles, confronter les points de vue différents, aborder l’entreprise comme lieu de solidarité, d’entraide et de partage, vivre réellement les intentions affichées et les transformer en actions, mettre au cœur des valeurs telles confiance, générosité, liberté, fraternité, vérité, etc…autant de pistes qui permettent de construire le sens dans l’entreprise.

La recherche de performance n’est pas une fin en soi. Car elle ne peut pas pas constituer un levier de développement et de transformation durable et tenable. Elle n’est qu’une conséquence d’une démarche porteuse de sens.

Frédéric Rochet, gestalt-praticien