Le souci de soi est devenu le maître mot. Cette aspiration moderne au plus-être et à l’épanouissement traverse toute notre société et se manifeste en particulier dans le domaine relationnel et le domaine affectif. Aspiration légitime, à condition qu’il nous tourne vers les autres et qu’il nous ouvre à la vie intérieure et spirituelle.
Or, que constatons nous ? Tout d’abord que l’impasse est souvent faite sur la vie spirituelle, d’où parfois des carences graves. Ensuite, une certaine tendance à tout psychologiser, à n’envisager la vie spirituelle que sous l’angle de la guérison et du mieux-être. D’ailleurs sans culture religieuse, le langage psychologique est souvent pour nombre de personnes le seul recours pour exprimer ce qui relève de la vie intérieure.
Ce qui devrait être un juste souci de soi peut ainsi tourner en une préoccupation du moi qui rend impossible une sortie de soi et qui rend aveugle à la nécessaire conversion du cœur.
“La grâce est de s’oublier” disait Bernanos. Dans un enseignement bouddhiste, on peut lire : “Ce qui n’est pas fait pour le bien d’autrui, ne mérite pas d’être entrepris.” Ce que Matthieu Ricard formule de la manière suivante :
La transformation de soi n’a de sens que si elle nous permet, par voie de conséquence, de mieux nous mettre au service des autres.
Il convient également de reconnaître que la croissance spirituelle dans la foi, l’espérance et l’amour est d’un autre ordre que le développement humain et qu’elle implique elle aussi et plus encore un véritable ′exercice spirituel′, qui demande travail et discipline.
Voilà l’ambition de toute vie : ordonner ce don précieux qu’est le souci de soi pour le bien d’autrui, tout en encourageant une vie spirituelle pleinement enracinée et incarnée ? Comment grandir à la fois humainement et spirituellement, avec nos fragilités, nos limites mais aussi avec notre espérance, notre foi, notre amour ?